5. Négligence médicale et douleurs de l’enfer.

Mercredi 1er juin 2022, nouvelle crise.

Hier j’ai discuté avec une collègue dont la fille est atteinte d’endométriose. Elle m’a dit « C’est comme du lierre qui pousse autour de ses organes et les compriment ». C’est exactement la sensation que j’ai. Celle d’une plante envahissante qui pousse en moi.

Je n’ai dormi que trois heures cette nuit. La nouvelle crise a commencé. Certains vivent au rythme de la lune et des marées, moi je vis au rythme de mes crises. Hier je suis rentrée chez moi en plein après-midi pour aller me tordre de douleurs sur les toilettes. J’ai eu des montées de douleurs et de chaleur. Ça a duré dix, quinze minutes, peut-être même plus. Je suis à bout de force. Je fais des journées de douze heures, hier, aujourd’hui et demain. C’est long. J’ai une concentration proche de zéro, une patience proche de zéro, je subis. Je voudrais être affalée sur mon canapé avec ma bouillotte et les ronronnements de mon chat. Hier soir, mon corps était totalement en tension quand je suis rentrée chez moi. Je sens que je tire sur la corde, que je force mon corps à tenir. J’avais le cœur à cent à l’heure et une sensation proche de celle que l’on ressent juste avant un malaise. Quand le cœur bat vite et que la chaleur nous envahit. J’ai essayé de me calmer, je me suis forcée à manger un peu et je suis allée batailler dans mon lit, à la recherche du sommeil. J’ai pris un cachet codéiné. J’ai dormi trois heures d’un mauvais sommeil et la douleur s’est réveillée. Elle s’est tranquillement réinstallée et a amené sa copine la nausée avec elle. Alors moi, j’ai tourné en rond dans mon lit. Je me suis encore tordue de douleurs.

Samedi 25 juin 2022, « De toute façon c’est démodé d’avoir ses règles ».

Il y a quelques semaines j’ai passé un week-end toute seule à Mimizan et ça m’a fait un bien fou. J’ai beaucoup dormi. Le premier jour, je me suis même recouchée après le petit déjeuner. J’ai fait du yoga face au courant et des siestes sur la plage. J’ai lu dans le hamac. J’ai déconnecté mon cerveau, posé mon téléphone et je me suis accordé une bulle de deux jours. C’était paisible. Et je crois, bien mérité ! J’ai pris soin de moi, je me suis écouté, je n’ai pas forcé mon corps. J’ai tenté le vélo mais j’ai failli tomber dans les pommes au bout de cinq minutes. Tête qui tourne et jambes qui flageolent, laisse tomber… Repos donc. Et j’ai ensuite connu quelques jours de répit sans douleurs. Une parenthèse de vie normale… Malheureusement bien trop courte !

Mimizan Plage

Très rapidement, la maladie a repris le dessus. Depuis deux semaines maintenant je souffre quotidiennement. Les douleurs sont de plus en plus intenses. En plus du ventre, elles irradient désormais ma jambe gauche et s’étendent jusqu’à mon genou et ma cheville. J’ai mal à vouloir m’arracher un membre. Cela me prend à n’importe quel moment de la journée ou de la nuit et met plusieurs heures à s’estomper. Cela m’empêche très régulièrement de dormir. Et puis parfois mais moins souvent, c’est l’épaule, le bras et le coude gauches qui sont eux aussi pris.

Faire plus d’une heure de voiture devient très complexe. Le week-end dernier, je devais aller à Bordeaux. J’avais mon rendez-vous avec une gynécologue spécialiste en endométriose à Pellegrin lundi matin et je m\’étais dit que c’était l’occasion de voir Lola le samedi et ma famille le dimanche. Sauf que le week-end dernier, comme toute la semaine d’ailleurs, c’était canicule ! Et la chaleur, je l’ai découvert, ça n’aide pas quand on souffre ! Cela demande de l’énergie. Sauf que moi, mon énergie la semaine dernière, elle était déjà concentrée sur mes douleurs, sur le fait de me lever et d’aller travailler même après une nuit de trois pauvres heures de sommeil, et sur le fait de supporter mon directeur cinq jours à la suite, chose qui n’était pas arrivée depuis environ un mois et demi. Entre mon week-end prolongé à Séville, le pont de l’ascension, le lundi de Pâques et son week-end prolongé à lui, cela fait bien longtemps qu’on ne s’était pas vu autant ! J’ai donc de nouveau passé une semaine difficile et monter à Bordeaux le samedi alors qu’il faisait 40 degrés me paraissait très complexe ! Et puis vendredi soir, Lola a annulé, et j’en ai été soulagée. Vraiment mon chaton ne sois pas désolée, vu mon état il vaut mieux qu’on se voit une autre fois ! Samedi matin, comme ce matin d’ailleurs, j’avais vraiment très mal ! Je crois que je tiens plus ou moins bon toute la semaine, et que le samedi matin, mon corps lâche tout. Je dis bien plus ou moins car durant la semaine, j’ai quand même mal tous les jours et je suis réveillée chaque nuit vers 2 ou 3 heures par la douleur. Chaque fois, je dois attendre que non pas le cachet mais LES cachets fassent effet pour me rendormir. Cette semaine ma consommation d’antidouleurs a doublé. Mais j’essaie de ne pas me culpabiliser de cela.

Samedi dernier donc, entre douleurs, fatigue et chaleur, j’ai décidé de couper la route pour Bordeaux en deux et de me rendre à la maison à Saint Pierre du Mont. Une heure de route jusqu’à la maison et une heure et demi le dimanche matin jusqu’à Bordeaux. Il fallait bien que je monte pour voir ma famille et surtout pour aller à mon rendez-vous le lundi. Et bien après chacune de ses deux étapes, j’ai été extrêmement mal. Des pointes de douleurs, un état nauséeux et une envie de me recroqueviller au fond de mon lit. Chose que j’ai pu faire samedi en arrivant à la maison mais pas dimanche car j’allais directement au resto. J’ai donc attendu que cela passe dans ma voiture. Faire de la voiture est désormais problématique et je ne vous raconte pas mon trajet retour Bordeaux – Pau lundi après-midi… Je me demande parfois jusqu’où cette maladie va aller et à quel point elle va m’empêcher de faire ce que je veux. Quand j’y pense, j’ai une boule d’angoisse qui se forme dans ma gorge. Putain de bordel de maladie de merde !!!

Et alors ce rendez-vous chez la gynéco… Que dire ?

Ce fut expéditif ! Je suis bien malgré moi arrivée en retard car j’ai fait la queue aux admissions de l’entrée principale et bien sûr, ce n’était pas le bon accueil. Le service maternité et gynécologie a son propre accueil et devinez quoi, rien n’est indiqué nulle part. La gynéco m’a dit que je n’étais pas la seule à me tromper et qu’ils n’avaient jamais réussi à résoudre ce problème. A mon avis, il suffirait que quelqu’un se penche vraiment dessus pour qu’une solution apparaisse… Mais bon, ce n’est que mon avis… Et je ne suis pas là pour ça ! Je ne suis donc pas arrivée dans un état d’esprit hyper serein. Je ne sais pas si ce retard a influencé le temps du rendez-vous, j’ose naïvement espérer que non et me dire qu’un bon médecin prendra quand même le temps nécessaire pour son patient. Mon rendez-vous n’a dû durer que quinze minutes, et encore, grand maximum, et ce n’était pas le temps nécessaire pour moi. Je me suis sentie expédiée. Elle ne m’a pas posé de question, elle a lu la lettre que la médecin remplaçante lui avait écrite et m’a tout de suite donné un traitement de première intention, sans batailler. Elle ne m’a pas questionnée sur mes douleurs. Elle ne m’a pas demandé comment j’avais appris le diagnostic ni si je savais ce qu’était cette maladie. Je me rends compte qu’à ce jour, aucun médecin ne m’a donné d’explications en face à face. Je n’ai jamais rencontré la personne qui a mis en évidence ma maladie en relisant les images de mon IRM et j’ai appris absolument toute seule tout ce que je peux connaître à son sujet. Quand je disais que j’allais affronter ce combat seule, je ne pensais pas que ce serait à ce point. Que mon entourage ait du mal à m’accompagner je le comprends, mais que le corps médical soit aussi négligeant… La gynéco n’a donc pas lu le compte rendu du radiologue et je n’ai même pas eu le temps d’évoquer son existence. Elle a chargé depuis le CD les images de mon ancienne IRM sur son ordinateur et n’a pas pris le temps de les regarder. J’ai dû bêtement dire qu’au premier abord on n’avait rien vu dessus car j’ai cru comprendre que c’était la seule chose qu’elle avait retenue. Une IRM avec rien dessus. C’est peut-être pour cela qu’elle m’a expédiée. Elle a dû se dire que j’étais encore une chieuse qui avait quelques douleurs sans justification… Mais bien sûr, je suis venue faire du tourisme. C’est bien connu, les maternités c’est hyper sympa à visiter ! Enfin merde elle est gynécologue spécialisée ! En deux ou trois questions elle aurait pu comprendre un peu plus mon parcours et adapter son discours. Et j’aurais moins eu la sensation de n’être qu’un numéro parmi un tas de patients. Elle m’a donc dit de prendre la pilule en continu. « Ah ben oui c’est la base ! ». Ah ben oui mais j’ai appris il n’y a qu’un mois que j’avais cette merde alors excusez-moi de ne pas connaître les bases… Et puis « De toute façon c’est démodé d’avoir ses règles, ça ne sert plus à rien« . Vous sentez l’agacement et le désespoir monter en moi ? Ils sont bien montés je vous assure car j’ai fini par craquer. Comprenant qu’elle m’expédiait et que je ne pourrais pas lui raconter mon histoire, je me suis mise à pleurer. Mon cerveau a lâché l’affaire. Elle m’a donné un traitement à base d’électro stimulations, des séances de quarante minutes tous les jours pendant trois mois. Elle parlait tellement vite que j’ai dû lui faire répéter à deux reprises les informations. « Oui oui je viens de vous le dire ». Ouais désolée mais ça va un peu vite pour moi… J’ai réclamé une ordonnance pour des antidouleurs. Et elle m’a dit qu’on ferait une consultation en visio après ma nouvelle IRM. Mon cerveau m’ayant lâchement abandonné sur ce coup-là, je n’ai rien compris à ce qu’il m’arrivait. Elle me donnait les ordonnances dans les mains et je les regardais sans comprendre ce que c’était. Un vrai bug cérébral ! Je suis ressortie complètement abasourdie dans le couloir et je me suis traînée très péniblement jusqu’à ma voiture dans laquelle j’ai pleuré un long moment.

Cette journée de lundi a été plus qu’épuisante. Après mon rendez-vous, j’ai voulu profiter d’être à Bordeaux pour aller en ville dans deux boutiques qui ne sont pas présentes à Pau. J’ai mangé avec mon père le midi et en milieu d’après-midi, j’ai récupéré trois covoitureurs pour rentrer jusqu’à Pau. En soi pas un programme ultra chargé, mais quand on manque d’énergie et qu’on a pleuré une bonne partie de la matinée comme moi, c’est déjà beaucoup ! J’étais en pleine crise de début de règles et j’ai eu mal au ventre toute la journée. Mon transit de nouveau bloqué. J’ai tenté les toilettes le matin chez mon frère sans succès. Après mon rendez-vous et mes pleurs dans la voiture, j’ai bu un café à l’hôpital et ai également tenté les toilettes. Au resto, même combat et rien à faire. Chaque fois, l’idée que quelqu’un puisse attendre m’a stressée. Car quand je suis en crise comme ça, la douleur dans mon ventre monte et monte jusqu’à atteindre des crampes violentes me forçant à filer tout droit aux toilettes. Quand je sens que cela arrive, j’essaie d’anticiper et d’aller aux toilettes avant de souffrir le martyr. Mais dans ces moments-là, mon passage aux WC peut prendre du temps et donc me stresser si j’occupe les seules toilettes disponibles ou si je sais que quelqu’un m’attend. Lundi j’ai donc laissé la douleur m’envahir au fil des heures, je n’ai pas réussi à stopper le processus en cours de route et j’ai fini par payer les toilettes des Galeries Lafayette. Je m’y suis tordue de douleur durant dix minutes. Il faisait chaud, au troisième étage du bâtiment et en ce lundi de canicule, je suis ressortie en nage. J’ai vu mon visage pâle et fatigué dans le miroir. J’étais à nouveau dans un de ces moments de déconnexion. À nouveau un véritable zombi. Tout ceci devient beaucoup trop omniprésent. Cet après-midi j’ai également été obligée de courir aux toilettes de la médiathèque tellement je me tordais de douleurs dans les rayonnages. Je ne suis plus maître de mon corps et il a décidé de m’imposer une loi bien trop contraignante à mon goût.

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